Les experts en philatélie membres de la CNEP (Chambre Syndicale Française des Négociants et Experts en Philatélie) se réunissent à l’occasion de meetings, salon de la philatélie, clubs philatéliques ou encore lors de ventes aux enchères et présentent les pièces philatéliques hors-normes qu’ils ont la chance de voir passer entre leurs mains. La CNEP est en France l’unique syndicat de dimension nationale regroupant les négociants en philatélie, le experts reconnus en timbres et lettres et les fabricants de matériel dédiés. Les négociants affiliés à ce syndicat respectent une charte professionnelle garantissant à leurs clients l’authenticité et la qualité des pièces philatéliques vendues.
Ce mois-ci, Bernard Laurent (fondateur de la maison de négoce philatélique, vente, achat et expertise de timbres- du même nom) présente un timbre très rare seul sur lettre : le Numéro 15 Gabon, un timbre de fortune émis localement en 1889.
Les Portugais sont les premiers à accoster au Gabon, en 1472, suivis par les Hollandais, au XVIe siècle. Dans un premier temps, les Européens ne cherchent pas à pénétrer le pays : ils établissent des fortins dans la zone littorale afin de développer des activités commerciales, à savoir le commerce du caoutchouc, du bois ou de l’ivoire, mais également la tristement célèbre traite négrière. Les relations directes avec l’intérieure des terres, en revanche, son inexistantes. Quant aux esclaves, ils sont d’abord destinés aux plantations de canne à sucre de Sao Tomé, avant que ne se développe le commerce triangulaire avec l’Amérique.
En 1839, les Français débarquent à leur tour. Leur objectif est d’installer un comptoir commercial et lutter contre la traite négrière, à présent interdite. Mission accomplie le 9 Février lorsqu’un traité de paix est signé entre le lieutenant de vaisseau Louis Edouard Bouët-Willumez, représentant le gouvernement français et le souverain Mpongwè Denis Rapontchombo dit « Le Roi Denis ». En 1849, la première ville est créée par les Français. A la suite de la capture d’un navire négrier brésilien, l’Eliza, les autorités décident en effet de regrouper les esclaves libérés dans un village. Tout naturellement, on donne à cet établissement le nom de Libreville.
La guerre de 1870 conduit la France à délaisser la colonie dont le commerce, de surcroît est un peu florissant. Mais des pays étrangers, et notamment la Belgique, s’intéressent de près à la région. Cette concurrence pousse la France à agir et à se préoccuper de l’hinterland du pays. Des aventuriers sont missionnés pour l’explorer, le plus célèbre d’entre eux étant Pierre Savorgnan de Brazza. Lors de sa troisième expédition, en 1883-1885, il prend possession, au nom de la France des territoires explorés. Cet état de fait est entériné, sur le plan international, par la Conférence de Berlin en 1885.
Qui dit commerce dit nécessité d’organiser un service postal. Étant donné la taille réduite de la colonie, ce n’est qu’en 1862 que ce dit service postal est créé. Ce service postal reste alors très modeste, il n’existe à l’origine qu’un seul bureau de poste, à Libreville. Les autres « petits bureaux de poste » sont créés plus tard : Loango en juin 1887, puis les bureaux de poste de Cap Lopez, Mayumba, Lambaréné et N’Djolé en juillet de la même année.
Pour ce qui est du matériel oblitération et des timbres, le Gabon est entièrement dépendant des envois postaux de la métropole, ce qui n’est pas sans créer des problèmes. Notamment en 1888, lorsque font naufrage « Le Brave et la Violette » les deux vaisseaux qui devaient assurer le ravitaillement de la colonie.
La conséquence est immédiate : le 28 Décembre 1888, les timbres à 25 centimes sont épuisés et les timbres à 15 centimes menacent de l’être sous peu. Face à cette situation, le gouverneur Ballay prend la décision de surcharger successivement des timbres-poste à 5 centimes, des timbres à 75 centimes, timbres à 1 franc et 10 centimes puis l’opération n’ayant pas suffi, des timbres-taxe à 5, 20 et 30 centimes seront émis. En mai 1889, il faut toutefois se rendre à l’évidence, les stocks de figurines pouvant être surchargées sont quasiment épuisées et personne ne sait quand l’approvisionnement venu de France arrivera. On prend donc la seule décision possible : confectionner sur place des timbres de fortune pour l’affranchissement postal. Autant dire que les ressources disponibles sur place sont limitées. Il faut donc faire avec les moyens du bord, à savoir quelques feuilles de papier coloré rose et vert, sur lesquelles on imprime de manière artisanale de petits rectangles dans lesquels figurent les mentions légales « Gabon-Congo/Postes/République Française » et la valeur faciale des timbres.
Les chiffres de tirage des timbres sont les suivants : 1000 timbres pour le 15 centimes noir sur rose (qui porte le numéro 14 du catalogue philatélique Yvert et Tellier) et 1500 timbres pour le timbre 25 centimes noir sur vert (numéro 15 du même catalogue philatélique). Ces timbres sont destinés aux ports locaux et tarifs d’affranchissement militaire pour le 15 centimes rose et destiné aux lettres pour la France et aux autres colonies pour le 25 centimes vert.
On le voit, contrairement à d’autres colonies où la production de surcharges fut surtout réalisée pour les collectionneurs de timbres et non en raison d’un véritable manque de figurines, les surcharges du Gabon sont tout à fait justifiées. Par ailleurs, une partie important du stock n’ayant pas servi, ces timbres sont alors particulièrement rares sur lettre et encore plus si utilisés en conformité avec la griffe tarifaire postale en vigueur. C’est ce qui fait tout l’intérêt de la pièce présentée dans cet article, 25 centimes étant le tarif adéquat pour l’affranchissement des lettres à destination de la métropole. Notons au passage le temps qu’a mis la lettre pour arriver à destination : postée à Libreville le 20 Mai 1889, la lettre n’atteint la France que le 22 Juin, d’après le cachet de transit au verso.
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